Le septième cercle

( 25 photographies 80/120 contre-collage sur Dibond) : création musée de Bibracte 2022)

« Au milieu de notre vie, je me trouvais dans une forêt obscure…mais pour dire le bien que j’y ai trouvé, je parlerai des autres choses que j’y ai vues ». (Dante, la Divine Comédie : l’enfer : chant 1).

L’ exposition « Le septième cercle » est inspirée du chant XIII de l’enfer de DANTE et des gravures pittoresques que réalisa Gustave DORE pour l’édition Hachette de 1861.

Ce travail  n’aspire pas à une nouvelle illustration photographique de la Divine comédie mais demeure une très libre interprétation de cette partie de l’œuvre.

Dans la représentation que Dante propose de l’enfer, les damnés prennent toujours une forme humaine exception faite du septième cercle où ils apparaissent sous l’apparence d’arbres. C’est ce qui m’a intéressé d’un point de vue photographique.

«  Nous fûmes des hommes et maintenant nous ne sommes plus que des troncs… » (DANTE : la Divine Comédie : l’enfer chant XIII)

« Alors le tronc souffla fortement et le souffle se changea en ces mots …Lorsqu’ une âme féroce part  du corps d’où elle même s’est détachée, Minos l’envoie au 7éme cercle. Elle tombe dans la forêt  et aucun lieu ne lui est fixé : mais là où la fortune la jette, elle germe comme un grain d’épeautre : elle pousse en arbuste et en arbre sauvage… »( DANTE : la Divine Comédie : l’Enfer : chant XIII).

A l’ère des confinements, vivre aux abords d’une forêt obscure dans le MORVAN éveille fatalement l’imagination et les sensations  du photographe en souffrance de liberté confisquée, l’assignation à résidence devient alors force créatrice…

Dans cet univers de solitude humaine et de possible fin des temps, quand l’homme se nourrit d’anciennes et mystérieuses lectures, il peut alors glisser vers un état second : une sorte de transe photographique. C’est, je pense, ce qui m’est arrivé à certains moments lors de prises de vues dans la forêt. Une relation tourmentée s’est établie entre les arbres et moi, si forte que parfois certains viennent encore me hanter …

Cette expérience « septième cercle »  effleure le grand mystère de l’homme et à sa relation à d’ autres mondes…   Tout est question de croyance, de peurs et d’espoir…

C’est un voyage dans la forêt  pour d’étranges rencontres avec les arbres et l’ouverture vers l’éternel ( le sacré) dans un espace de création infiniment beau et terrifiant.

Le septième cercle établit un parallèle entre mon expérience d’artiste en  2020, le voyage dans l’au-delà que fit DANTE en 1300 et la vision  romantique et exaltée  de Gustave DORE au XIXe siècle pour qui le monde est l’enfer. C’est la mise en perspective temporelle d’un fragment de ce texte littéraire universel, fondateur de la culture occidentale.

Entre religion et mythologie, sens de la vie, salut des âmes et damnation éternelle,… le texte de DANTE ouvre la voie au fantastique et à la poésie de l’image. Il en est la source.

Dans ces photographies, chaque visiteur trouvera sa propre interprétation et fera son propre cheminement.

Nul autre lieu que Bibracte, la ville engloutie sous la forêt, la cité disparue n’était  plus à même d’accueillir la création de cette exposition, à la croisée des mondes et des Dieux  anciens et futurs, là où les temps se confondent et où l’éphémère de nos vies se fond dans la multitude.

Le grand passage est peut-être ici, quelque part enfoui dans cette terre du Morvan, sous la cité abandonnée…

Que l’on soit au début, au milieu ou vers la fin de notre vie, cette exposition est une invitation aux voyages intérieurs, aux songes, à la forêt, à l’histoire et à la lecture de DANTE indispensablement illustrée par les gravures de Gustave Doré…

Régis PERROT